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La politisation de la société

L’un des principaux facteurs de la radicalisation passe par une confrontation et fédération des idées. Aussi la politisation de la société conduit inévitablement à une montée de la conscience des masses concernant des perceptions de la situation et des moyens de contrer des formes d’oppression.

Le rôle de la Presse

La littérature politique foisonne pendant l’hiver 1788-1789, la liberté de presse étant tacitement reconnue à l'occasion de la réunion des Etats Généraux. Plus de 5 000 libelles, traités, essais et pamphlets sont édités. Alors que la censure royale n’autorisait que 60 feuilles dans le royaume en 1788, elles seront 500 en 1792 à Paris. Jusqu’au 10 août, toutes les convictions s’expriment dans un climat de liberté illimitée. Il y a donc une explosion des périodiques durant ce fort moment de débat public accentué par la déclaration des droits de l'Homme rendant légal de liberté d'expression. Les gazettes à plus fort tirage ne dépassent pas une diffusion de quelques milliers d’exemplaires mais elles touchent cependant les grandes masses populaires car la lecture à haute voix dans de petits cercles se développe spontanément. Cette presse à bon marché, virulente et diffusée dans toute la société, permet de faire émerger une véritable conscience politique qui était larvée dans les couches populaires.

La nouvelle société née de la Révolution vit dans la liberté d’expression. Les « papiers-nouvelles » rendent compte des évènements d’actualité. Signe visible des temps nouveaux, la presse modifie les modes de pensée. Par elle s’opère la politisation de l’opinion.

   La critique et les messages politiques des ordres passent encore mieux à travers les images que par les mots. Dès le début des émulations révolutionnaires, des caricatures critiquant les ordres et leurs privilèges se multiplient telles que celles montrant le Tiers Etat portant sur son dos les deux ordres de la noblesse, le réveil du Tiers Etat prenant les armes après la prise de la Bastille. D'autres dessins satiriques sont plus radicaux, tel que "La chasse aux aristocrates", comparant les nobles à des animaux parasites et nuisibles qu'il faut abattre par les armes. Ce dessin peut ainsi illustrer les propos de l’abbé Sieyès sur la place de la noblesse dans la société : elle est inutile car elle ne travaille pas et vit de ses privilèges. Il y a ainsi une forte radicalité par la violence de l’action décrite. Le message est clair : les nobles doivent être abattus, le dire et le faire sont mêlés. Le dessin engage à une radicalité envers un ordre nuisible.  

 

L'émergence des Clubs

Les clubs jacobins constituent progressivement le réseau de communication le plus important entre la presse et les citoyens moyens. La lecture des journaux anime les Sociétés de province, alimente la correspondance avec celle de Paris et permet aux jacobins d’irriguer des idées révolutionnaires comme dans les clubs affiliés qui se multiplient dans tous les départements. Dans de nombreuses villes de France naissent spontanément des clubs en 1789, créations locales de citoyens désireux de prendre part à la Révolution. Dès qu’ils apprennent l’ouverture de la Société des amis de la Constitution, qui siège dans un ancien couvent de jacobins, ils cherchent à tisser des liens d’« association » et de « correspondance » avec le grand club de Paris, rapidement célèbre. S’ils s’y réfèrent comme à la société mère, c’est alors de façon plutôt abstraite, car ils ont leur fonctionnement propre, adapté à leur contexte local. La Société des Amis de la Constitution de Arras est ainsi l' une des antennes de la société mère de Paris. Ils se font affilier selon le règlement strict donné par le club parisien et copient son organisation. Ainsi s’établit une forte ressemblance de fait : le déroulement des séances, une fois adopté, n’est plus guère modifié. Ces groupes politiques mettent en avant leur indépendance par leur idées et à travers une identité propre visible à travers cette allégorie. Ils diffusent à travers ces clubs leurs propres conception de la société et sont par là le fait d'un changement radical dans leurs idées marquant aisni une radicalité à travers leur pensée politique. 

 

Une foule politisée

   

 

"A faut esperer q'eu jeu la finira ben tot : l'auteur en campagne" , estampe Scènes satiriques, 1789

 Cette politisation de l’opinion permet l’émergence d’une pensée politique diffusée dans les couches populaires. Il y a une maturation croissante des foules révolutionnaires. Il y a d’abord des journées à dominante revendication socio-économique, telles que les journées d’octobre 1789 révoltes de subsistance, et journées à motivation politiques que se mêlent à des journées mixtes joignant les deux éléments. Il y a d’abord de la spontanéité dans ces mouvements dans les journées de Juillet 1789 c’est sans organisation préalable véritable et sur la base d’une improvisation que l‘évènement prend tournure. Des manifestations politiques se constituent tout au long de l’année 1789 avec les attaques des barrières de Paris, les cortèges armés aux Invalides et à la Bastille et enfin les manifestations de subsistance s’alliant à un message politique lors des journées d’Octobre 1789. Ces journées analysées par l’historien Aim Burstin dans son ouvrage Révolutionnaires, sont les plus iconiques de la montée d’une politisation de l’opinion par son caractère inédit. Elles ont été fortement relayées par les journaux et dessins représentant ce défilé se dirigeant vers Paris.

   On reconnait un rituel coutumier avec les représentants du peuple telles que les "dames de la Halle" mais qui se rajoute à un comportement insurrectionnel. Elles sont les représentantes du bas peuple parisien et ont une forte visibilité, possédant une véritable légitimité politique. La politisation subit une accélération plus spontanée et plus forte avec une nouveauté dans les formes d'expression politique et dans les comportements collectifs. Il y a une véritable organisation et indépendance politique des figures para-institutionnelles encadrent la manifestation. Cette manifestation, avant de se diriger vers Versailles, occupe ainsi auparavant l'Assemblée nationale. C'est une situation populaire qui échappe aussi au contrôle de ses représentants, emblème d‘une crise de représentativité politique. Slogans, pancartes, organisation d’un cortège, porte-paroles caractérisent ces nouveaux modes d’expression qui sont désormais politiques et qui affirment plus efficacement une opinion générale. La mobilisation de ces classes populaires est massive et armée,  marquant un véritable basculement politique.

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